Steppe FM, 1 Avril 2022, Fin d’un voyage à cheval :
La fin du périple :
Après ces deux semaines de pluies ou de vent, le soleil se découvre enfin. Il fait toujours froid à cause du vent mais le ciel est à nouveau bleu. Nous sommes à l’est d’Akyaka et nous nous remettons enfin en route.
Notre caravane de dix membres longe encore la côte méditerranéenne. Tantôt le sur le bitume de la route du bord de mer, tantôt sur les sentiers escarpés et mal balisés à flancs de falaise.
Il y eut un jour particulièrement génial. Nous quittons la route pour nous enfoncer sur les sentiers abruptes dans la pinède. Nous grimpons quelques centaines de mètres de dénivelé avant de trouver un tout petit chemin zigzagant entre les arbres mais dans la bonne direction. Notre caravane marche maintenant dans une forêt de pins serrés. Le sentier se perd souvent entre les talus d’épineux. La marche est lente, souvent éprouvante car il faut scier ou déplacer un arbre nous bloquant le passage. Les passages entre les arbres sont de temps à autre si serrés que les bagages des chevaux passent au centimètre près quand il ne se font pas complètement érafler. L’endroit est splendide mais surtout la vue. Sur notre gauche, entre les troncs, nous voyons la mer bleu turquoise scintiller sous le soleil et au loin de toutes petites îles. Et alors que le soleil brille encore, que nous transpirons sous l’effort, il se met à neiger. De gros flocons virevoltent et fondent sur les flancs des chevaux.
La fin de journée approche, nous sommes à une trentaine de kilomètres à l’Ouest d’Akyaka, en plein cœur d’un petit village balnéaire, une voiture s’arrête à notre niveau et nous demande si nous avons besoin de quoique ce soit. Marie répond que non, nous cherchons juste un endroit où dormir avec de l’herbe pour les chevaux. Il nous propose de nous emmener chez eux. Une jeune femme sort de la voiture et nous la suivons. Quinze minutes plus tard, nous arrivons dans une sorte de camping/hôtel. Il n’y a ni tente, ni chambre mais une poignée de Tiny Houses au milieu d’un jardin face à la mer.
Le projet Geko
Nous étions invités à passer une nuit ici par Melda et ça fait maintenant 10 jours que nous sommes là. Melda & Racim sont les deux gérants de Geko, un projet d’écotourisme dans un parc naturel. Quand nous sommes arrivés, que notre camp était monté, il nous ont proposé de boire un thé pendant lequel nous avons appris qu’ils sont en pleine période de rénovation avant le début de la saison d’été. Et évidemment, on a proposé de donner un coup de main ! D’autant plus que pour nous avoir un endroit fixe et des Turcs autour de nous va permettre de vendre les chevaux plus facilement.
Et il faut admettre qu’on ne regrette pas notre choix. Nous sommes dans un endroit magnifique avec de nouvelles personnes à rencontrer, les chevaux sont en liberté dans un grand enclos, il y a plein de petit boulot à faire (peindre, réparer, couper du bois…), nous sommes incroyablement bien nourris et nous pouvons prendre des douches quand on veut ! En plus, ils sont d’accord pour que je mette en place un potager pour la saison !
Nous passons donc nos journées au soleil à aider ici que ce soit pour peindre ou réparer, faire la cuisine ou les courses, promener les chiens ou monter les chevaux à cru et surtout à mettre en place le potager. Nous avons même la "chance" d'aller voir une lutte traditionnelle de chameau. En vérité, outre la maltraitance animale évidente nous nous sommes loin des corridas et autres mises à mort, et les Turcs profitent de cette évènement comme une excuse pour picoler et manger toute la journée !
Après avoir fait les semis et le plan théorique du potager, il faut préparer le sol, lui incorporer de la matière organique (crottin de cheval !), de l’azote (déchets verts) et surtout le décompacter à la pioche car nous n’avons que ça. A la fin, nous construisons des structures en bambou qui serviront de tuteurs aux tomates et haricots.
Concrètement, la surface totale mise en place est d’environ 40m², nous y avons planté un quinzaine d’espèces (semences libres et reproductibles de Kokopelli) différentes en prenant en compte un maximum de facteurs (associations bénéfiques, ensoleillement, qualité du sol, quantité d’eau disponible, relief…), tout en incorporant au sol de la terre végétale, du fumiers et des matière carbonées et azotées.
L’objectif de ce potager est d’obtenir une petite production locale pour la cuisine de l’hôtel et de sensibiliser à l’agriculture durable.
La vente des chevaux
En parallèle de toutes ces activités, nous commençons à essayer de vendre les chevaux. Grâce à Melda, nous pouvons appeler en Turc les différents Ranch de la région, écrire des annonces pour les diffuser sur les différents sites internet et appeler les gens rencontrés le long de la route.
Le début de cette vente tant redoutée (non seulement car nous devons dire adieu à nos compagnons équins mais aussi car nous ne savons pas qui s’en occupera), les rares personnes qui nous rappellent ou nous relance prétendent que nos chevaux sont trop cher, trop maigre ou n’en veulent qu’un. Finalement les jours passant les offres se précisent et nous tombons d’accord avec Elias que nous avions déjà rencontré et qui travaille depuis toujours avec les chevaux.
Le jour J, Elias arrive de nuit avec un petit camion. Nous l’invitons boire un thé où il en profite pour négocier des détails avant de nous donner l’argent. Le cœur lourd, la tête ailleurs, nous accompagnons nos chevaux jusqu’à la route puis essayons de les faire monter dans le camion. Nous sommes en pleine nuit, le camion a beau être petit, nos trois chevaux sont montés sans trop de problèmes. 15 min après être arrivé, Elias repart avec nos chevaux. Non, avec ses chevaux. Nous regardons une dernière fois les trois chevaux côte à côte dans le camion s’éloignant. Tout s’est passé si vite. Nous n’avons plus de chevaux.
Grand tournant
Du coup, depuis aujourd’hui nous n’avons plus de chevaux.
Nous ne savons pas trop où nous allons non plus. La guerre entre l’Ukraine et la Russie met définitivement fin à nos espoirs de continuer d’aller vers l’Est. Vers le Kirghizistan, vers la Mongolie.
Nous avons déjà adapté notre voyage cent fois à cause du Covid, alors une fois de plus…
Mais cette fois-ci c’est le grand tournant. Tout se chamboule.
Nous n’allons plus vers l’Est, nous retournons vers l’Ouest, et en plus nous nous séparons. Il y a plein de raisons que nous développerons peut-être une autre fois pour expliquer ce choix. Globalement, après ces trois mois en caravane nous avons besoin de solitude : recentrer le voyage sur soi et pour soi. Besoin de s’y retrouver dans cette expédition, qui ne cesse de changer au gré des pandémies et autres fléaux, besoin de se tourner vers des projets qui nous tiennent à cœur, se focaliser sur les projets écologiques.
L’ébauche est la suivante : Nous partons chacun de notre côté vers l’Ouest pour mener à bien des projets de souveraineté alimentaire, en Octobre nous essayerons séparément de traverser l’atlantique en bateau et une fois de l’autre côté de la mer, là où les frontières sont ouvertes, Jehol et moi essaieront de retrouver Rico pour voyager de nouveau avec des chevaux.
Bon, Aymeric ! Puisque tu vas à l’ouest, essaie de pousser jusqu‘en Bretagne, avant de traverser l‘atlantique. J’ai besoin de tes conseils pour créer un potager/serre à Binic. Logé, nourri, blanchi ! Sérieusement. En tout cas, bravo pour ce que vous avez fait et appris. les voyages forment la jeunesse. Bises. Annick et Vincent
Génial le potager et tes semis sont plus avancés que les nôtres!
De nouvelles aventures vous attendent, cap à l'ouest, nous avons hâte de vous suivre!
Quelle bonne rencontre avec Melda & Racim. 🙂 C'est la fin d'une belle aventure avec les chevaux et tout le groupe. L'hiver est passé, vous avez affronté pas mal de choses ensemble, en plus du froid et de l'humidité constante, bravo 👏. C'est le printemps, une nouvelle étape du voyage, de nouveaux projets en perspective, on vous souhaite plein de bonheur ! 🤞💪🤗 Et on attend la suite! 😉
Par essence, l'aventure est pleine de rebondissements... Ainsi va ! C'est bien !!!