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  • Alexis Boisselet

CasaLina (Alexis)

NL 23, 1 juillet 2022, CasaLina, Steppe FM



CasaLina :


Pouilles, Sud de l'Italie, 38°C en moyenne.


Cela fait déjà près de trois semaines que Jé et moi sommes arrivés ici, à CasaLina.

CasaLina, c'est le nom d'une une maison paumée avec un grand terrain cultivable au milieu des Pouilles, à cinq kilomètres du premier village : Spinazzola. Il fait si chaud que personne ne dort dans la maison qui nous sert essentiellement de cuisine et de source électrique. Tout le monde dort dans le camping (une petite dizaine de tentes et autres habitats légers) aménagé dans une petite pinède, une des rares zones presque toujours à l'ombre.



Avant de parler du quotidien ici, qu'est ce qu'est réellement CasaLina ?


Tout commence en Mars 2018, Angela, Italienne vivant en Belgique mais née à Spinazzola rentre dans les Pouilles pour l’enterrement de sa grand-mère. Pendant les quelques jours passés ici, elle redécouvre des terrains familiaux, dont une maison, à l’abandon et en même temps rencontre Gervasio, directeur de l’Osservatorio Migranti Basilicata.

A son retour à Bruxelles, dans sa colocation composée d’une dizaine de personnes elle propose le projet suivant : restaurer la maison et la proposer à l’observatoire d'y loger des migrants dans de meilleures conditions. Trois mois plus tard, suite à une levée de fond par financement participatif et organisations d’évènements culturels, une vingtaine de Bruxellois (Belges, Italiens et Français) partent un mois dans les Pouilles pour restaurer la maison. En août 2018, la maison est terminée, CasaLina (en hommage à la grand-mère d’Angela) est née.





Malheureusement, l’observatoire n’a pas suffisamment de main d'œuvre disponible pour organiser la gestion de la nouvelle maison.

Qu’à cela ne tienne, un nouveau projet est lancé pour CasaLina : mettre en place une culture d’escargot rentable afin de pouvoir proposer un travail à l’année et des conditions de vie décentes aux migrants. Cette nouvelle tentative dure au total deux ans et se solde par un échec dû… à trois cambriolages ! Les voleurs ont tout pris, des outils jusqu’aux escargots. Pour faire face aux problèmes financiers engendrés par ses vols, Angela et son collectif bruxellois créent deux associations : l’une dans les Pouilles, l’association de CasaLina dont l’objectifs est, entre autres, d’améliorer les conditions de vie des migrants dans la région &, parallèlement en Belgique, l’association BSR (Building Social Resilience) dont le principal objectif est d’obtenir des financements et des bénévoles pour les activités de CasaLina, via l’organisation d’évènements culturels (marchés de produits locaux, pizzeria ambulantes, organisation de soirées, de mariages etc…).


Le fonctionnement général est le suivant : d’octobre à Mars, le collectif vit à Bruxelles et se charge de levées de fonds, et de Mars à Septembre, ce qui correspond à la saison où les migrants viennent travailler dans les Pouilles, une bonne partie du collectif descend en Italie pour organiser des missions d’aides aux besoins essentiels. En effet, les migrants sont soit logés dans des ghettos et subissent le système des Caporalato (voir encadré ci-dessous), soit dans de vieilles maisons abandonnées et insalubres sans eau courante ni électricité. L’association de CasaLina propose donc en plus des besoins essentiels (nourriture, recharges en électricité, douches, urgences médicales…) de l’aide pour la mise à jour des permis de séjours ou la régularisation de leur demande d’asile par la mise en contacts avec d’autres associations ou des avocats.


Nous arrivons ainsi à Mars 2020, la période de Covid et le début du confinement en Italie. Angela, Raffa et Coco sont coincés à CasaLina et les conditions précaires des centaines de migrants venus pour la saison des tomates se dégradent encore. Pendant près de six mois, ils effectuent de l’aide d’urgence aux migrants dans les maisons abandonnées et les ghettos alentours et une dizaine d’entre eux viennent habiter à CasaLina. En plus de cela, commencent les projets permaculturels sur le terrain autour de la maison : régénération des sols (suite aux années d’exploitation mono-culturelles), maraîchage biologique pour commencer à vendre des produits issus de cette agriculture soutenable. Les produits (sauce tomate, légumes et fruits séchés, huiles d’olive, tisanes, confitures…) sont majoritairement vendus à Bruxelles.

Les besoins financiers de l'association de CasaLina croissent en fonction des activités d’aides toujours plus nombreuses. L'association sœur en Belgique s’autonomise petit à petit pour proposer de plus en plus de projets de sensibilisation. Elle se met aussi à enquêter sur le système du caporalato (encadré ci-dessous) ayant son équivalent en Belgique, et dans toute l’Europe.


A CasaLina, le projet s'agrandit. Il y a de plus en plus de bénévoles et donc de plus en plus d’éco-constructions, de terres consacrées à l’agriculture soutenable, de fruits et légumes à produire, récolter, transformer et conserver et d’aides à apporter aux migrants (projet Campagna è Vita consistant à faire le tour des maisons alentours pour y apporter de l’aide).





En 2022, l’association est même contactée par le ministère de l’intérieur Italien pour aider à la gestion des migrants notamment par la mise en place de l’application File, encore loin d’être au point, censée apporter une alternative au système du Caporalato en mettant en lien direct les migrants en demande d’emplois et les agriculteurs à la recherche de main d’œuvre.

Désormais, CasaLina étant de plus en plus importante et légitime cherche à s’implanter de plus en plus dans la région en organisant des évènements et à créer un réseau d’entraide avec les autres associations similaires de la région.



Source : Caporalato: lo schiavismo del Terzo millennio, https://www.anmil.it/, traduit de l’italien.



Et au jour le jour CasaLina ça donne quoi ?


Brièvement, c’est une vie communautaire avec une répartition des tâches en fonction des obligations et des intérêts.

Angela qui vit ici les six mois de l’année est chargée, en plus de l'administratif des deux associations, de la coordination des projets et de la vie sur place. Nous ne sommes pas un nombre fixe, c’est-à-dire qu’il y a des bénévoles qui viennent et d’autres qui partent et d’autres, comme moi, qui restent un bout de temps. En trois semaines ici, j’ai vu CasaLina presque dépeuplée où nous n’étions que huit, et CasaLina pleine à craquer où nous étions plus de vingt car nous organisions une fête, ou car nous logions des cyclovoyageurs.

Il y a donc toujours un renouveau de personnes venant de tous les coins du continent : Italie, Belgique, France, Allemagne, Hollande, Turquie… Et puis, en plus de tous ces gens qui y vivent , il y a aussi des immigrés d'origine africaine : Gambiens, Nigérians, Marocains… pour remplir des cuves d’eau, charger leur téléphone ou encore dîner avec nous. CasaLina est comme un moulin où tous les vents se rencontrent.


Pour le travail, les tâches principales sont réparties en quatre secteur : Éco-construction (restauration et construction des aménagements), Production (récolte, transformation et conservation), Permaculture (gestion du potager et création des différentes missions agricoles) et projets aux long termes (reforestations, régénération des sols…).


Chaque matin, à 9h, nous organisons une réunion pour former les équipes de chaque secteur et selon les priorités.

Par exemple, il y a quelques jours nous avons achetés environs 250 plantes potagères donc les deux jours suivants, Enzo et moi, tous deux chargés du secteur Permaculture, avions la charge de monter une équipe conséquente pour désherber, travailler le sol, planter, et mettre en place l’irrigation de nouvelles zones de cultures le plus rapidement possible.





En fait, il y a toujours mille choses à faire. En plus des priorités définies en chaque début de journée, il y a d’autres tâches à faire : désherbage, création d’engrais liquide (macérâts), semis… ou récolte des cerises ou des amarene (cerises sauvages), puis leur dénoyautage et leur transformation (séchage ou confiture) et encore réparer les joints d’un mur avec de l’adobe ou enduire de vernis une surface qui prend l’eau. Ou bien, il faut aller faire les courses, faire la vaisselle, préparer à manger, nettoyer les endroits communs, accueillir de nouvelles personnes, discuter et réfléchir aux nouveaux projets.


Et puis tout ça, c’est sans compter les projets de création d’évènements comme la participation aux marchés locaux ou aux différents évènements festifs dans le village de Spinazzola. Il y a une dizaine de jours, nous avons tous participé à la grande fête du village de Spinazzola. Et donc après la compétition pour manger le plus rapidement les spaghetti sans les mains (gagné haut la main par Angela sous les acclamation de toute la CasaLina), nous avons participé à la cucagna. L’objectif : une équipe de quatre personnes doit se débrouiller pour escalader un poteau, enduit de 2 cm de graisse de moteur, pour y décrocher les saucisses et fromages pendus en haut du mât. Nous n’avons pas gagné, mais nous n’étions pas loin de remporter l’évènement phare de Spinazzola ! Près de deux semaines plus tard, quand on se promène dans le village nous sommes encore reconnus comme l’équipe ayant presque gagné les saucissons.





Et puis, comme s’il n’y avait pas assez de boulot, CasaLina organise son premier gros événement de sensibilisation à Spinazzola : le 6 juillet prochain nous organisons un marché avec nos produits et d’autres agriculteurs locaux sur la place du village suivi de la projection en avant première d’un documentaire racontant l’aventure d’une communauté Apulienne à l’inverse même de l’exode rurale de cette région.

Il y a donc énormément de nouvelles choses à faire. Trouver la location du projecteur et du son, se mettre d’accord avec la commune sur la date, proposer un débat entre le public et la réalisatrice qui sera sur place, créer et aménager les emplacements du marché, d’un bar pour les produits locaux, faire la tournée des villages alentours pour y coller des affiches et faire de la communication auprès des habitants. Il y aussi la communication par internet, les invitations aux producteurs locaux, l’organisation pour la décoration, les sièges (qui seront évidemment des bottes de pailles) à apporter, les quelques courses et surtout la production à transformer (mise en bouteille, création de sorbets…) pour pouvoir la vendre sur place.


Finalement :


La vie à CasaLina est bien remplie. Jehol est avec deux copines, et en plus des chiens, on a deux chats, des poules et une multitude de moustiques. On y parle généralement trois langues : Français, Anglais et Italien, des gens viennent et partent.

Nous sommes dans le sud de l’Italie et la température en journée ne descend jamais en dessous de 35°C, du coup on travaille jusqu’à midi, et là après le déjeuner, lors des heures les plus chaudes, il ne se passe presque plus rien : c’est l’heure de la sieste sous un arbre, ou de patauger dans la toute petite piscine pour enfant. On s’y remet généralement vers 17h jusqu'à 21h.

Après le dîner, on peut enfin profiter des seules heures fraîches des 24h. Les discussions vont bon train, le vin local est souvent de la partie. On se couche tard, profitant au maximum des heures les plus vivables du cœur des Pouilles.


C’est donc une vie pleine de rencontres et d'activités en contact avec la terre. Autant dire que tout va bien pour moi.





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