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Alexis Boisselet

1200 km à travers les Balkans


Steppe FM, Juillet 2021, 1200 km à travers les Balkans :



Après ces derniers jours en Croatie, au bord de la rivière Korana, nous filons vers la Bosnie Herzégovine. La frontière ne pose aucun problème et nous gagnons la grande ville de Bihac dans l’après-midi.


Le paysage culturel a bien changé, les églises sont remplacées par les mosquées, quelques femmes portent le voile, nous sommes dans une région musulmane. Il y a de nombreux réfugiés syriens en ville et sur la route où nous roulons. Au bout d'une quinzaine de kilomètres nous nous arrêtons, un petit vieux nous propose, avec des gestes car nous n’avons plus de langage commun, de planter la tente au bord du fleuve dans son jardin. Il nous propose aussi de regarder un match de foot de l’Euro. Pendant le match nous apprenons qu’il était joueur de foot professionnel de Yougoslavie. Il jouait pour Sarajevo et a même rencontré le PSG !

Pendant une douzaine de jours, nous roulons en Bosnie. La chaleur, autour de 40°C, est à la limite du supportable. Nous roulons très tôt le matin ou en fin d’après-midi. Au milieu, on fait de longues pauses, généralement à l’ombre d’un arbre ou dans un café. C’est un pays fantastique, la culture (musulmane, orthodoxe et catholique) évolue tous les 50 km, les paysages s’enchainent, nous passons de régions montagneuses parsemées de “trous” parfaitement circulaires formées par l’érosion du calcaire. Puis nous roulons sur des plateaux désertiques tout à fait plat sur des dizaines de kilomètres où l’eau est rare et l’herbe rachitique. Tous les jours nous montons au moins 600 mètres de dénivelés que l’on redescend presque aussitôt. Nous croisons des chevaux semi-sauvages, dormons près de lacs ou de rivières asséchées, visitons Mostar en négociant un chambre de bonne pour nous et les vélos et faisons une multitude de rencontres.



Un soir, nous prétendons être Belge pour voir un match de l’Euro. Nous sommes dans une ferme, il n’y a rien à 10 km à la ronde, dans la pièce au papier peint viellit on assiste à la défaite de la Belgique alors que le vieil homme qui nous a accueilli ronfle sur le canapé et que sa sa femme remue du fromage frais dans une immense casserole. Nous nous éclipsons en finissant l’immanquable verre de schnaps, plantons le tipi face au lac sous la lune : il y en a marre de perdre que l’on soit Belge ou Français.


Suite à une grosse journée, dont la moitié consistait à pousser les vélos sur des chemins impraticables, des locaux nous invite à la table d’un café (ils ne doivent pas voir beaucoup de voyageurs par ici…) puis à venir dîner chez eux dans la ville de Seroki Brijeg. Nous sommes accueillis par toute la famille et quelques-uns de leurs amis, l’un d’eux parle français, pour un apéro et un énorme repas. Grâce à Dragar et sa famille, nous dormons dans un lit, lavons nos affaires et apprenons l’histoire de la Bosnie-Herzégovine. Le lendemain, alors que c’est dimanche, Dragar nous ouvre son salon de coiffure. Ils nous ont “remis à neuf” en 24 heures, et nous avons des coupes de cheveux à rendre jaloux Griezmann !





Une dernière grosse montée en fin d’après-midi et nous voilà au Monténégro. Nous avons choisi de passer par la côte pour éviter au maximum le dénivelé. Alors que tout avait bien commencé, la descente vers la mer est splendide et nous filons sur une quinzaine de kilomètres sans aucun effort, nous nous retrouvons en plein dans une ville balnéaire. Le soir tombe, il y a beaucoup de trafic, des hôtels et des restaurants partout. Nous zigzaguons entre les touristes en maillots de bain, les plages privées et les casinos pour finalement trouver un terrain vague en pleine ville où planter le tipi.

Le lendemain, après s’être fait virer d’un café car nous ne consommons pas assez, on continue sur la côte. L’intérieur du pays a l’air très beau ce qui n’est pas le cas de la côte sur-aménagée pour le tourisme. Finalement ce n’est pas si plat que ça, même en bord de mer. Malgré la chaleur nous faisons de grosses journées et profitons de la mer aux heures les plus chaudes. En deux jours et demi, nous sommes à la frontière Albanaise. Cette fois nous passerons par les terres.


Nous passons les deux premières nuits dans la seconde ville du pays : Shkoder. Nous sommes hébergés par un couple d’américains d’une soixantaine d’années. Ils vivent ici la moitié de l’année… entre deux voyages à vélo !

La réputation du pays que nous connaissons n’est pas fondée, les albannais sont très accueillants : plusieurs fois on nous propose à boire et à manger. Une fois, alors que nous dormions, le tipi au bord de la route, nous sommes réveillés par toute une famille nous apportant du fromage de chèvre, une demi pastèque et, inévitablement, une petite bouteille de schnaps (qui s’appelle désormais raki).



Dans l’est de l’Albanie, en s’approchant de la Macédoine du Nord, le ciel est gris, c’est la première fois depuis plus d’un mois. Nous déchantons vite de la fraîcheur apportée par les nuages quand il se met à pleuvoir. Pas une petite averse. Il pleut, il grêle, en quelques minutes nous sommes trempés jusqu’aux os. La route se change en torrent boueux et il est impossible de voir à 10 mètres. On s’abrite dans un minuscule café où ils sont obligés d’écoper car l’eau s’infiltre de partout. Finalement, la pluie se calmant un peu, nous repartons nos habits gorgés d’eau. On demande l’hospitalité à une famille. Il nous accueille avec plaisir malgré la communication difficile (seul le grand-père parle quelques mots d’Italien). Dans leur maison en construction nous avons une pièce pour nous, nous pouvons faire sécher nos habits. La nuit arrivée, ils nous invitent à boire du café, Rico, mal aigue au ventre et à la tête, décline. Je me retrouve dans le salon avec toute la famille. Différence culturelle. Seul le doyen et moi sommes assis devant une table et buvons du café. Les autres membres de la famille nous regardent discuter, ils m’offrent du café à peine ma tasse terminée et des cigarettes dès que j’en éteins une.

Le lendemain, nous prenons le petit déjeuner avec toute la famille, nous déclinons leur propositions de nous héberger encore une nuit et arrivons le soir même en Macédoine du Nord.




Nous passons trois nuits en Macédoine, juste le temps de faire le tour de l’immense lac d'Ohrid et de descendre vers la Grèce. Trois nuits et trois étranges bivouacs : le premier à côté du lac touristique, nous campons dans un carrière à ciel ouvert, le second à une dizaine de mètres de “l’autoroute A3” où nous roulons, rattrapés par la nuit. Pour le troisième bivouac, dans la seconde ville du pays Bitola, nous montons le camp derrière un amphithéâtre restauré d’où s'échappent les solos de guitare du plus gros groupe de rock Macédonien (Leb i Sol). Ils nous ont laissé assister au concert gratuitement, notre premier concert depuis la pandémie !

Ça y est, nous sommes en Grèce. A part une heure passée à remplir le formulaire d'entrée, nous n’avons pas eu de soucis à la frontière. Il n’y a presque plus de relief ça aurait été facile de rouler si la chaleur n’était pas aussi forte. On cuit entre 9h et 17h. Le premier soir, nous nous installons près d’un lac d’altitude. Le lieux est magique, nous décidons d’y rester deux nuits. Le feu flambe haut et fort quand la pleine lune se lève à l’horizon, d’abord orangée elle se teinte d’argent au cours de la nuit éclairant le camp sous les étoiles, le tipi fièrement dressée vers le ciel. Baignade lunaire dans l’eau tiède du lac.

Le jour suivant nous partageons notre fabuleux endroit avec un cyclotouriste hongrois rencontré en allant faire les courses. En souvenir, il nous offre une magnifique hache… juste de quoi compliquer la prochaine frontière !





Heureusement que la route est plate car il fait toujours très chaud, lors des autres bivouacs nous sommes envahis par les moustiques, à tel point que dormir devient un rêve… Un matin nous retrouvons 7 de nos huit roues crevées par des coques épineuses dissimulées dans l’herbe. Nous perdons une journée à réparer les chambres à air en plein cagnard. Nous n’avons plus de rustines, plus de colles… Au bout de 7h, après un tour au magasin de vélos nous pouvons repartir, mais le soleil se couche déjà.

Arrivés en début de soirée à Thessalonique nous passons la nuit à déambuler sur l’immense promenade longeant la mer Egée avant de s’endormir dans un parc en plein cœur de la ville. Nous passons la journée suivante à visiter la cité, écrasés par la chaleur. Le centre est joli et les marchés grandioses.





Nous continuons au Sud-Est, en direction des trois doigts de la Macédoine Centrale. Nous sommes à une vingtaine de kilomètres d’un nouveau chapitre.

Le pays hellénique marque la fin de la première partie du voyage. En effet, nous nous arrêterons au Sud de Thessalonique pour au moins un mois. Deux semaines dans un projet de ferme familiale puis deux autres semaines pour que Rico rentre en France par le train pour assister au mariage de sa sœur et me rejoigne à nouveau. De mon côté, je vais passer ces deux semaines à visiter la région avec ma famille qui me rejoignent en voiture et Jehol.



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