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Alexis Boisselet

Jour écarlate :


Jour écarlate, 15/12/2021, Steppe FM



Encore deux semaines tranquillement installés au Kapadokya Ranch à faire facilement son permis de séjour en Turquie, à moins que… POURRITURE DE BUREAUCRATE APATHIQUE !



Le début de ces deux semaines avait pourtant bien débuté. La routine à la ferme, le soleil, les chevaux, les promenades montées dans les vallées alentour et les plans de voyages prochains avec Akim & Marie. Nous avons plusieurs options pour aller randonner dans le Sud durant l’hiver : soit nous achetons deux chevaux en Cappadoce et les transportons là-bas soit nous les achetons directement sur place au grès du hasard. Nous étudions les différentes options, nous renseignons sur les itinéraires à suivre et les coûts à prendre en compte.





La lyre turque continue sa descente aux enfers : nous étions à 1€ pour 10 TL au à notre entrée du pays et nous sommes désormais à 1€ pour 15 TL aujourd’hui, ce qui au contraire des turcs a tendance à nous avantager. Nous faisons une visite d’achat, à quelques kilomètres d’où nous sommes logés, pour des petits chevaux (environ 1m40 au garrot). Les prix sont vraiment intéressants, moins de 150€ par cheval. Grâce à nos amis ici nous trouvons un potentiel transport à 200€ pour les deux chevaux ce qui nous permettrait de descendre tous les quatre facilement avec les trois chiens et avec tout le matériel de voyage et de bâtage. Notre projet avance petit à petit et nous commençons à sentir l'excitation de repartir à l’aventure.


En parallèle à la ferme on ne chôme pas. Il faut arranger la route en terre battue avant la venue de l’hiver et des fortes pluies, rafistoler quelques clôtures, créer un nouveau parc pour les chevaux… et puis il y a aussi eu une journée très particulière qui restera graver dans nos crânes (et désolé mais il n’y aura pas de photos pour l’illustrer) :


Comme tous les jours, nous nous retrouvons tous les six (Nico & Helene, les propriétaires du Ranch ; Marie & Akim, les jeunes mariés avec qui nous comptons partir ; Rico et moi-même) à 8h dans le salon troglodyte pour le petit déjeuner. Comme toujours on se gave de Tahin-Pekmez (un mélange de purée de sésame et de concentré de jus de raisin). Mais aujourd’hui est un jour spécial. Aujourd’hui nous allons aider à la castration de deux jeunes chevaux.

A 9h, nous sommes rejoints par le vétérinaire accompagné par cinq autres personnes dont Ibrahim et Gokhan (nos amis de la randonnée d’Antalya). Le premier cheval est amené dans le rond de longe, le vétérinaire lui administre un anesthésiant, puis nous tentons d’entraver ses quatre pattes pour le mettre à terre. Malgré le fait d’être au moins six autour de lui, il nous faut cinq grosses minutes et quelques frayeurs avant de réussir à le coucher. Trois de ses pieds sont attachés ensemble par une corde que nous tenons, son autre postérieur est maintenu relevé par une autre corde, sa tête posée sur un coussin est bloquée au sol par le genou d’un turc de 120 kilos.





A nouveau, le véto le pique avec un anesthésiant local tout autour des testicules. On attend comme ça quelque minutes le temps que le liquide se diffuse. Le cheval, stressé par ces circonstances plus qu’anormal tente à plusieurs reprises de se dégager. Les poings se serrent autour des cordes, la mâchoire se crispe sous l’effort, les attaches grincent, le cheval tend tous ses muscles puis soudainement il abandonne et se détend à nouveau. Quelques minutes s’écoulent. Le véto sort son scalpel aseptisé. Tout le monde tient sa corde, tout le monde le regarde. La lame du scalpel disparaît complètement à l’intérieur du cheval, trace une ligne d’un quinzaine de centimètres. Le sang gicle. L’action n’a pas duré deux secondes. Le cheval se raidit à nouveau. Tout le monde tient ferme, sa tête retombe sur le coussin. Le véto plonge l’une de ses mains dégoulinante de Bétadine dans la plaie d’où s’échappe en continu un filet écarlate. Il ressort sa main qui tient désormais le canal qui se termine sur les deux testicules fumantes dans l’air matinale. Je ne peux m’empêcher, comme tous ceux autour de moi j’imagine, de serrer les dents devant cette vue sanglante. Le vétérinaire pince le canal avec une sorte de tenaille en métal. Il ajoute un garrot quelques centimètres en amont et sort à nouveau le scalpel. D’un coup bref, il sectionne le canal. Les testicules roulent dans le sable. A cette vue, mon corps se crispe. Il recoud la plaie en quelques points en laissant un drain. Nous détachons les cordes. L’hongre se relève. Un flot de sang s’écoule sur le sol. L’opération est terminée. Elle s’est très bien passée. Le cheval est conduit à un arbre où il est attaché court pour ne pas qu’il puisse bouger ou se rouler. On lui donne à boire.


Avant de passer à l’opération suivante, le tableau est presque comique. Tout le monde, même le véto, prend cinq minutes pour calmer ses nerfs en fumant une cigarette.


Le matériel est à nouveau aseptisé. Le deuxième cheval est amené.

[...]

L’opération s‘est moins bien passée. L’incision a été moins nette mais le vétérinaire est serein bien qu’il n’ait trouvé qu’une seule testicule…



Attablés sur la terrasse, tout le monde boit un thé avant de repartir. En rentrant dans sa voiture Ibrahim ne peut s’empêcher de me dire en rigolant “voilà ce qu’il va t’arriver si tu touches à ma fille !” avant de démarrer la voiture en riant à gorge déployée.



Bon… Il est 11h30, la castration s’est globalement bien passée. Chacun rentre chez soi et d’ici une dizaine de jours les deux jeunes chevaux pourront rejoindre le troupeau. On se serait bien contenter de finir la journée tranquillement sauf que Nico nous charge d’une nouvelle mission : tuer deux oies et les préparer pour la fête prévue le lendemain…


Akim attrape une oie, Rico en attrape une autre. Et moi, j’attrape une hache. On se regarde tous les trois en ne sachant trop comment faire. Finalement on opte pour une grosse bûche. Akim et Rico maintiennent les oies de manière à avoir le coup le plus long possible. On rit nerveusement à propos d’un potentiel coupage de main. Je lève la hache. TCHAK. En un coup tête et corps sont séparés. Le sang gicle par la tête manquante. Les corps, encore tenus par Rico et Akim sont agités par d’affreux spasmes pendant plus d’une minute. Enfin, les ailes arrêtent de battre et les corps amputés s’immobilisent. Nous sommes tous les trois tâchés de sang.



On se rappellera encore longtemps de ce jour. Ma mémoire l’a associée à une couleur : le rouge. Le jour écarlate.

C’était impressionnant mais nous sommes contents de l’avoir vécu. Voir et participer à la castration des deux chevaux nous permet aussi de comprendre que c’est pour le mieux. Très bientôt, ils vont rejoindre le troupeau et vivre en semi-liberté. Et finalement leur vie est bien plus enviable que celle d’un étalon qui ne sort presque jamais de son paddock et uniquement avec un humain pour le contraindre. Car mettre un étalon en liberté c’est être s’assurer d’être confronté à de nombreux problèmes, que ce soit les grossesses des juments ou les blessures suites aux combats avec les hongres.

Et puis, savoir comment tuer avec le minimum de souffrances une volaille, puis savoir la plumer, la vider et la préparer c’est un peu la base pour qui voudrait voyager hors des sentiers battus ou tenir un jour une ferme…



(Photos mignonnes n'illustrant pas du tout le propos, au contraire !)



Bon, revenons-en au début et à nos problèmes de permis de séjour. En soit c’est normal, c’est barbant quelque soit le pays. En Turquie pas plus qu’ailleurs. N’empêche que ça reste une belle épine dans le pied. Le site officiel marche un jour sur deux et même quand il fonctionne il faut mentir dessus car toutes les options ne sont pas possibles. Puis après trois quatre jours de galère pour réussir à remplir un formulaire, il faut prendre rendez-vous avec la bonne institutions, s’y rendre avec tous les papiers nécessaires et un garant (un local qui nous permet officiellement de loger chez lui). Une fois sur place, après une énième pause café, l’un des fonctionnaires daigne vous recevoir. On lui montre fièrement nos papiers et voilà qu’il nous dit qu’il en manque un qui évidemment n’était pas référencé sur leur site. De là, il faut passer chez le notaire pour obtenir ce nouveau machin. Sauf que pour officialiser la signature entre le garant (qui parle parfaitement Français puisque c’est notre tonton turc Ibrahim) et le notaire il nous faut un interprète. Bref, après une dizaine de jours, nous avons enfin obtenu toutes les paperasses nécessaires en échange d’un joli trou dans notre budget… Et on espère maintenant pouvoir enfin obtenir le permis dans les prochains jours.


Et puis, comme une galère arrive rarement seule, Nico, Hélène et Pablo nous appellent sur la route après leur weekend à Ankara et nous apprennent que le petit Pablo est cas-contact au Covid. Résultat, nous devons, d’un commun-accord car c’est juste plus simple pour tout le monde, quitter le Ranch pendant au moins 7 jours pour vérifier ou non si Pablo a contracté le virus.





Heureusement, Tonton Ibo (Ibrahim) est là. Et nous depuis hier nous, nous sommes installés chez lui. Et en soit, ça tombe plutôt bien car il a des chevaux, un ranch et surtout besoin d’aide pour son tout nouveau ranch qui manque encore de pas mal de choses pour pouvoir bien fonctionner.



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1 Comment


boisseletphilippe
boisseletphilippe
Dec 15, 2021

Excellent, quel suspens !

Bravo pour ce rendu très réaliste! bises

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